En troisième lieu, puisque les idéologies n’ont pas le
pouvoir de transformer la réalité, elles accomplissent cette émancipation de la
pensée à l’égard de l’expérience au moyen de certaines méthodes de
démonstration. Le penser idéologique ordonne les faits en une procédure
absolument logique, qui part d’une prémisse tenue pour axiome et en déduit tout
le reste : autrement dit, elle procède avec une cohérence qui n’existe
nulle part dans le domaine de la réalité. La déduction peut procéder
logiquement ou dialectiquement ; dans les deux cas, celle-ci implique un
processus cohérent de l’argumentation qui, parce qu’elle pense en termes de processus , est supposée capable de
comprendre le mouvement des processus surhumains, naturels ou historiques.
L’esprit parvient à la compréhension en
imitant, soit logiquement, soit dialectiquement, les lois des mouvements
« scientifiquement » établis auxquels, au cours du processus
d’imitation, il s’intègre progressivement. L’argumentation idéologique, qui est
toujours un genre de déduction logique, répond aux deux composantes des idéologies
précédemment mentionnées-celle du mouvement et celle de l’émancipation à
l’égard de la réalité et de l’expérience-, premièrement parce que son
mouvement de pensée ne naît pas de
l’expérience mais s’ auto- génère, et, en second lieu parce qu’elle transforme le
seul et unique élément tiré et admis de la réalité expérimentée en une prémisse
à valeur d’axiome et , dès lors, s’en remet au déroulement de l’argumentation subséquente que nulle expérience ultérieure ne
vient troubler. Une fois les prémisses établies, le point de départ donné, les
expériences ne peuvent plus venir contrarier
le mode de penser idéologique,
pas plus que celui-ci ne peut tirer d’enseignement de la réalité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire