RECHERCHES ET REFLEXIONS
SUR LA SURVEILLANCE DE L’EXISTENCE
ET SUR LE METIER DE BERGER
SUR LA SURVEILLANCE DE L’EXISTENCE
ET SUR LE METIER DE BERGER
" Nous nous séparons insensiblement de nous-mêmes",
ANNE DUFOURMANTELLE, Eloge du risque.
I.
GOULMAAM
UN AVEUGLE A LA RECHERCHE D’UN CERTAIN POUVOIR
J’ai rencontré aux Assises du Khoy de Wéthiar Ndigil,
un homme se présentant lui-même au nom de Goulmaam. Il aveugle et personne ne
peut douter de son état de non voyant en voyant l’immense et monstrueux vide
que ses yeux arrachés par la nature ou par quelque accident ou des accidents
successif dans son histoire, ont laissé dans son corps, même si nécessairement,
il n’est pas absolument aveugle. Il dit, mais cela est plus difficile à
vérifier, qu’il aurait tout oublié ou alors beaucoup oublié au cours de son
chemin. Mais il sait qu’il n’a pas tout oublié et qu’il n’a pas oublié
l’essentiel. Il n’est pas seulement séparé de ses yeux, parce que ses yeux sont
naturellement et habituellement dans les corps des choses et des êtres de
l’existence pour les mener à une certaine destination connue d’eux dès le
départ de leur mouvement, ou progressivement découverte ou restant
fondamentalement inconnue, même si parfois on voit l’existence s’en aller comme
s’il ne craignait point de s’égarer. Mot à mot, Goulmaam veut dire « être
égaré ». Je ne sais pas aussi si on peut le toujours le prendre au
sérieux. Tantôt il dit porter un âge que portent et que portèrent ses
contemporains, tantôt il se déclare d’une longévité qu’une certaine raison ne
saurait accepter sans prudence si elle ne s’empressait pas de la rejeter, si
elle n’est pas sur les chemins de la philosophie et de la science dans lesquels
les humains sont toujours disposés et ouvert à l’inconnu et à la surprise, à
tous les possibles. Au jour où je l’ai rencontré aux Assises du Khoy de Wéthiar
Ndigil à Pagaal, les Assises de l’esprit ou de la Mémoire ou de l’âme dont on
dit qu’il n’oublie rien de ce qu’il a vécu et de ce qui lui est annoncé et qui
est en route mais qui n’est pas encore arrivé dans l’intimité de tous, il
disait être à sa 496 années depuis sa séparation avec d’d’autres voyageurs
qu’il doit nécessairement rencontrer pour retrouver ses yeux perdus et leur
pouvoir et ensuite atteindre ce qu’il cherche et en même temps voir ces autres
compagnons dont il est séparé arriver enfin à leur fin personnelle et
collective. Les autres, c’est une femme enceinte qui s’appelle Moselle. Elle
est amnésique, sourde, aveugle et muette. Elle est en compagnie d’une matrone,
qui pourrait je crois aussi être une prêtresse et encore une législatrice,
parce qu’elle s’appellerait Jotnaam Ndigil, pour désigner mot à mot, celui ou
celle, le pouvoir qui fait traverser la vérité. L’autre, c’est Yaakaar, qu’il
soit une fille ou un garçon, qu’il s’agisse d’un seul nouveau-né ou de
plusieurs en même temps, il recevra toujours le même nom, signifier l’Espérance.
Le problème de Goulmaam qui dit être un ancien chasseur de fauve reconverti en
Défenseur des droits universels qui pourraient et devraient être uniformément
partagés et défendus par tous les humains, il portait un arc et une flèche en
tout cas. Je ne sais pas si Goulmaam est
né aveugle ou s’il l’est devenu accidentellement, je l’ai seulement entendu
dire de lui-même qu’il aurait entendu depuis le ventre de sa mère, une partie
de son destin ou tout, mais avec beaucoup d’oubli, sauf cette voix qui lui
annonça de l’intérieur qu’il serait aveugle et par laquelle il dit avoir
entendu de suite, la promesse qui lui annonça la possibilité pour lui de
retrouver ses yeux perdu et le pouvoir qui leur est attaché. Il ne sait pas
exactement depuis quand il est en route. Il sait seulement que c’est depuis le
jour où il s’est converti en Défenseur des droits de l’homme. Je crois, mais ce
n’est pas certain, que Goulmaam né pas né aveugle, puisqu’il m’est difficile
qu’un aveugle puisse être un chasseur de fauve depuis les premiers pas de
l’homme sortant à peine avec dit-on très peu de connaissance de lui-même et de
la nature, avec le minimum de connaissance, de science et de technique. Or,
c’est un jour de chasse, celui de la reconversion, qu’il s’est rendu compte
qu’il ne pouvait plus voir aucune cible de celles qu’il chassait dans la
nature, mais seulement cette cible qu’il venait d’atteindre de sa flèche
intensément et instantanément mortelle
et qui pourtant, pendant longtemps, se mit à lui répéter « Tu m’as
atteint, tu nous as atteint. Que voudrais tu donc de ma mort ? » Il
entendait alors d’immenses essaims de voix du monde l’interpellait de toutes
part par la même question dit-il, mais il ne voyait plus rien. Il s’est alors
entendu dire qu’il lui fallait si elles ne mourraient pas, suivre ces vies qu’il
venait d’atteindre de sa flèche mortelle dans un immense buisson dans lequel
s’était réfugié un fauve qu’il poursuivait, un loup avait-il dit je crois, dont
il confondit avec l’autre cible dans le même refuge. En ce temps, c’est la
matrone Jotnaam qu’il ne vit pas mais qu’il entendait à ses pieds et qui était
non loin des lieux qui le lui fit savoir, « Le pouvoir qui devait assurer
la surveillance publique de la cité ne devait accoucher et ne naitre au milieu
de la cité, mais dans la nature la plus hostile à l’existence ». C’était
selon Goulmaam qui le tiendrait de la matrone en compagnie de Mosselle, une
manière de tester sa viabilité, son efficacité, sa résistance, mais aussi sa
légitimité. Je ne sais pas si un homme peut dire d’un autre qu’il est libre ou
heureux ou malheureux comme il n’est pas évident pour moi de savoir si je suis
libre ou heureux, si j’ai déjà été libre ou heureux. Malgré tout, il est
possible de le regarder comme un homme heureux, même s’il déclare lui-même
qu’il cherche à être enfin libre. Je ne l’ai pas entendu dire qu’il se sentait
malheureux ou coupable. Je l’ai entendu remercier son Dieu et divinités particulièrement attachées à son
intimité, ses pangols, d’avoir donné à cette vie humaine qu’il venait
d’atteindre d’une flèche qui eut raison des fauves les plus féroces connus de
lui alors, une si grande résistance ou peut-être d’avoir neutralisé ou altérer
la charge du pouvoir de sa flèche. Il a pleuré abondamment malgré son âge,
pensant sans doute aux conséquences qui devraient arriver si le contraire de ce
qui arriva avait pris le dessus. Ce n’est pas seulement Mosselle et Yaakaar qui
allaient mourir ; ce serait un monstrueux génocide, un carnage, une
extermination abominable si Mosselle et Yaakaar avaient péri de la flèche
empoisonnée d’un chasseur de fauves. C’est tout un peuple dont il ne connaît
rien de sa dimension, mais peu importe, puisqu’il n’existe pas de peuple grand
ou petit, même si un peuple peut être petit par son territoire, par sa science
ou par ses technique pour assurer sa surveillance et devoir compter sur
l’assistance d’un autre plus grand, plus vigilant, plus informé du monde et de
l’homme. Tous les peuples poursuivent une fin et une fin n’est jamais petite.
Il peut y avoir peut être aussi de petites fins et de grandes fin pour soi,
pour autrui ou pour tous et pour le monde, mais je crois que Goulmaam s’estime
heureux et ce n’est pas sans raison. Depuis que son peuple s’est établi dans le
monde en tant que peuple et en tant que nation, en tant que corps et esprit,
chez Mosselle, c’est le plus beau des humains qui est le siège du pouvoir
public. Cet femme que Goulmaam cherche à
rencontrer depuis leur séparation fut la plus belle de tout son peuple et c’est
en elle que le pouvoir s’est établi le pouvoir public. Je ne sais pas d’où vient Goulmaam puisque
lui-même ne se souvient exactement de tout, mais je crois qu’il doit venir de
très, très loin de moi, même si au s’il n’est pas à la même distance de tous
les autres témoins au sein de cette assemblée où j’ai fait accidentellement,
peut-être aussi par la providence ou par quelque autre pouvoir inconnu du monde
me voulant autre chose que le bien. Combien d’institutions sociales, morales,
éthiques ou politiques valides ou d’une autre nature, une société, un peuple,
une nation peut-il avoir ? Je ne prétends pas le savoir, même si comme
tous les humains, je peux me sentir très éloigné des autres ou d’un autre
surgissant en moi ou en dehors de moi. Lorsque le peuple s’est réuni à la Place
des Origines, alors que chaque corps et chaque âme s’était disposée de la même
manière et à une distance régulière les corps et les âmes à côté les uns des
autres et tous déshabillés, au réveil, ils
se sont tous retrouvé autour d’un corps à moitié nu, celui d’une femme
dont le visage est caché et dont personne ne pouvait dire après vérification de
la présence de tous ce qu’il connaissait, de quel visage il s’agissait. Et
puis, on demanda à corps présent parlant consciemment et peut-être aussi
inconsciemment « Quel est ce visage parmi nous » Et on entendit le
visage lui-même demander « Qui suis-je et que suis-je pour
vous ? » Goulmaam n’est pas un témoin de cela, il l’a seulement
entendu de la matrone de Mosselle, celle du peuple et du pouvoir politique.
C’est toujours, c’est peut-être encore le cas aujourd’hui, dans les mains de la
matrone du peuple que naît le pouvoir et c’est dans ses seins qu’il grandit.
C’est tout son peuple sans exception aucune qui lui a donné son nom. Il
l’appela Mosselle Yaakaar avant de tirer le voile et il vit qu’il ne s’était
pas trompé, qu’il est impossible que tout un peuple s’accorde dans l’erreur,
c’est pourquoi lorsque cela arrive dans quelque assemblée, il faut se dire
qu’il y a une voix qui n’a pas parlé ou qui n’a pas sérieusement parlé. Elle
s’appelle Mosselle parce qu’elle est la plus belle jusqu’ici pour son peuple.
Elle s’appelle Yaakaar, parce qu’elle n’est pas seulement la plus belle, mais
celle en qui se contiendrait l’espoir le plus étendu. Cette femme que Goulmaam
qui se déclare lui-même égaré cherche à rejoindre par un chemin dont il ne sait
plus rien de la direction ni des traces, s’appelle Mosselle Yaakaar, bien avant
la conception de l’enfant qu’elle porte encore dans son ventre. Mais Yaakaar, c’est l’esprit du peuple, la
volonté du peuple, l’âme du peuple, le capital existentiel primitif du peuple
qui s’incarne dans son intimité, avant que son visage ne soit découvert. Si le
peuple découvrait que Mosselle était laide selon leurs critère de mesure
d’alors, elle serait lapidée sur le champ, parce que le peuple aurait dit qu’il
s’agit d’un pouvoir d’un ennemi qui cherchait à usurper leurs pouvoirs
individuels et leurs pouvoirs publics. Elle pouvait aussi être belle mais sans
être aussi vaste et constitué ou éduquée pour contenir tout le peuple et à
cette époque-là chez eux, selon Goulmaam, pour parler du pouvoir, son peuple
disait que « La mère du peuple doit toujours se coucher sur le dos ses
seins jaillir de tout son corps pour répondre aux appels de sa progénitures
vivant de mille et une choses. C’est donc
avec la plus haute des beautés que son peuple pouvait encore atteindre des
humains parmi ses membres et dans la plus étendue des fécondité qu’on peut
attendre d’une femme que Mosselle prit congé des siens discrètement, pour aller
accoucher en pleine nature, dans un lieu connu de la matrone et peut-être de
quelques autres assistants nécessaires pas nommés parce que peut être connus de
Goulmaam. C’est donc dans un immense espoir de les revoir revenir ensemble dans
la santé la plus sûre pour un peuple. Tout n’est pas perdu. Il serait promis à
Goulmaam et à Mosselle et à Jotnaam Ndigil de se rencontrer quelque part dans
le monde où ils retrouveraient chacune, chacun et ensemble et au milieu de leur
peuple qui les attend, toutes leurs facultés, toute leur beauté et toute leur
science et art perdus et se séparant de plus en plus de au fur et à mesure
qu’il avance et s’éloignent des lieux de l’accomplissement des promesses qui
leurs sont faites et qui sont faits à leur peuple. Ils ne sont pas morts, mais
depuis qu’il les a atteints par ses flèches, leur histoire semble inversée
totalement. Ils s’approchent de plus en plus du contraire de ce qu’ils
devraient être. Peut-on se demander qu’est-ce que cherche un aveugle, une femme
enceinte, un enfant dans le ventre de sa mère depuis autant d’années, un peuple
qui a déposé tous ses pouvoirs vitaux dans le corps d’une femme et d’un enfant
et qui a tout confié à une matrone dont il n’a jamais douté ni de sa science ni
de sa loyauté ? Il peut être néanmoins utile de le dire clairement. Dans
les eaux du fleuve Pagaal qui passe par toutes les terres du monde et par les
côtes les plus profondes sous la terre en surface, il y aurait selon Goulmaam,
une pirogue transportant Mosselle, Yaakaar et Jotnaam en direction d’une cité
où ils entendent les appelle de leur peuple attendant toujours leur retour avec
l’essentiel pour tous et pour chacun. Le problème de Goulmaam c’est que nulle
part sur la terre, il n’entend ses appels, même s’il déclare, malgré sa
séparation d’avec les yeux habituels de son corps dans tous les corps humains,
toujours voir et en toute transparence les voyageurs dont il parle et qu’il
cherche à rejoindre dans les lieux de la délivrance. De sa bouche, je l’ai
entendu dire, qu’il avait beaucoup oublié et qu’il se sentait relativement
déchargé de son oubli et de son problème, quand il est arrivé au milieu de
l’assemblée des Assises de Wéthiar. J’avais entendu dire avant d’arriver ici,
qu’il existe quelque part dans le monde une assemblée au sein de laquelle tu
pourras encore te souvenir pour ne jamais oublier ou avant d’oublier à nouveau.
Je crois disait-il alors et apparemment bien déchargé mais encore très
relativement, que c’est bien cette assemblée ou une des divisions de cette
assemblée. Parce qu’ici, je souviens maintenant de ce que je cherche, de ce que
ces autres dont je suis séparés cherchent dans le même monde et que nous ne
saurions avoir séparément. Nous cherchons un pouvoir. Un pouvoir comme
n’importe quel pouvoir, c’est-à-dire, une source matérielle ou spirituelle
capable de penser et d’agir pour influencer positivement ou négativement
l’existence de quelque chose ou de toute chose.
Nous
sommes, tous les autres comme moi et comme nous, à la recherche d’un pouvoir
dont l’essence consisterait à rapprocher toutes choses de la nature et tout
être en dehors de la nature, de ce dont il est séparé effectivement, ou se sent
séparé ou craindrait d’être séparés, et qui lui est nécessaire ou au moins
utile, pour chercher et atteindre, ou
espérer se rapprocher le maximum possible, de sa fin individuelle ou
collective.
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