"Années d'études
et de souffrances à Vienne "
Quand ma mère
mourut, j'avais déjà eu quelque lumière sur mon avenir.
Au
cours de sa dernière maladie, j'étais allé à Vienne subir l'examen
d'admission à l'Académie des beaux-arts. Muni d'une épaisse liasse de
dessins, je m'étais mis en route persuadé que je serais reçu en me jouant.
J'avais été de beaucoup le meilleur dessinateur de la Realschule, et
depuis lors mes capacités s'étaient extraordinairement développées, en
sorte que, passablement satisfait de moi-même, j'avais excellent espoir.
Un
souci cependant : il me semblait que j'étais encore mieux doué pour le
dessin que pour la peinture, surtout pour le dessin d'architecture. Et
pareillement mon goût pour l'architecture elle-même croissait toujours.
Cette évolution se précisa au cours d'un séjour de quinze jours que je
fis à Vienne à l'âge de seize ans à peine. J'étais allé étudier la
Galerie de peinture du Hofmuseum, mais je n'eus d'yeux que pour le bâtiment
lui-même. Tous les jours, du matin à la nuit tombée, je courais d'une
curiosité à l`autre, mais c'étaient surtout les édifices qui me
captivaient. je demeurais des heures devant l'Opéra, des heures devant le
Parlement ; toute la Ringstrasse me parut un miracle des mille et une nuits.
J'étais
donc pour la deuxième fois dans cette belle ville et j'attendais, brûlant
d'impatience, mais plein d'une orgueilleuse confiance dans le succès de mon
examen d'admission. J'étais si persuadé du succès que l'annonce de mon échec
me frappa comme un coup de foudre dans un ciel clair. Il fallut pourtant
bien y croire. Lorsque je me fis présenter au recteur et que je sollicitai
l'explication de ma non-
admission
à la section de peinture de l'Académie, il m'assura que les dessins que
j'avais présentés révélaient indiscutablement mon manque de dispositions
pour la peinture, mais laissaient apparaître par contre des possibilités
dans le domaine de l'architecture. Il ne pouvait être question pour moi de
la section de peinture de l'Académie, mais seulement de la section
d'architecture. On ne pouvait de prime abord admettre que je n'aie jamais
encore fréquenté une telle école, ni reçu d'enseignement correspondant.
Je
quittai tout abattu le Palais Hansen sur la Schiller Platz, doutant de moi-même
pour la première fois de ma vie. Car ce que je venais d'entendre dire de
mes dispositions me révélait d'un seul coup, comme un éclair subit, une
discordance dont je souffrais déjà depuis longtemps sans pouvoir me rendre
compte exactement de sa nature et de ses causes.
Alors,
en quelques jours, je me vis architecte.
En
vérité, la route était pleine de difficultés, car ce que j'avais négligé
jusqu'ici par défi à la Realschule allait se venger amèrement. Avant les
cours de l'école d'architecture de l'Académie, il fallait suivre ceux du
cours technique de construction et l'admission à ce dernier nécessitait
des études complètes à une école primaire supérieure. Tout ceci me
manquait complètement. Il semblait donc bien que l'accomplissement de mon rêve
fût impossible.
Lorsque,
après la mort de ma mère, je revins à Vienne pour la troisième fois -
cette fois pour plusieurs années j'avais retrouvé du calme et de la décision.
Ma fierté m'était revenue et je m'étais désigné définitivement le but
à atteindre. Je voulais devenir architecte et les difficultés rencontrées
étaient de celles que l'on brise et non pas de celles devant lesquelles on
capitule. Et je voulais les briser, ayant toujours devant mes yeux l'image
de mon père, modeste ouvrier cordonnier de village, devenu fonctionnaire.
Ma base de départ était meilleure et le combat d'autant plus aisé ; dans
ce qui me parut alors une dureté du destin, je vois aujourd'hui la sagesse
de la Providence. La déesse de la nécessité me prit dans ses bras et menaça
souvent de me briser : ma volonté grandit ainsi avec l'obstacle et
finalement triompha.
Je
remercie cette époque de m'avoir rendu dur et capable d'être dur. Plus
encore, je lui suis reconnaissant de m'avoir détaché du néant de la vie
facile, d'avoir extrait d'un nid
délicat
un enfant trop choyé, de lui avoir donné le souci pour nouvelle mère, de
l'avoir jeté malgré lui dans le monde de la misère et de l'indigence et
de lui avoir ainsi fait connaître ceux pour lesquels il devait plus tard
combattre.
C'est
à cette époque que mes yeux s'ouvrirent à deux dangers que je connaissais
à peine de nom et dont je ne soupçonnais nullement l'effrayante portée
pour l'existence du peuple allemand : le marxisme et le judaïsme.
Vienne,
dont le nom évoque pour tant de gens gaieté et insouciance, lieu de fêtes
d'heureux mortels, n'est 6élas 1 pour moi que le souvenir vivant de la plus
triste période de mon existence.
SOURCE:http://www.angelfire.com/
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