Mais
en quelques dizaines d’années l’attitude de l’homme à l’égard de la nature
changea fondamentalement. Dans la mesure où le savant pénétrait le détail des
phénomènes de la nature, il comprenait,
en effet, comme Galilée avait commencé de le faire, on pouvait dégager de
l’ensemble certains phénomènes de la nature, les formuler mathématiquement et
par là les « expliquer ».En même temps, il reconnaissait pourtant
l’immense tâche qui s’imposait ainsi à la science de la nature en train de
naître. Pour Newton, déjà, plus simplement l’œuvre de Dieu, concevable
seulement comme totalité. Son attitude à l’égard de la nature se traduit le
mieux dans ces mots célèbres :il avait, disait-il, l’impression d’être un
enfant qui, jouant au bord de la mer, était heureux de trouver de temps en
temps un galet plus lisse, un coquillage plus beau que d’ordinaire, pendant que
le vaste océan de la vérité s’étendait, inexploré, devant lui. Le développement
de la pensée chrétienne à cette époque peut expliquer le changement d’attitude
du savant à l’égard de la nature : Dieu semblait si haut dans le ciel, si
loin au-dessus de la terre, que considérer la terre indépendamment de Dieu
pouvait prendre un sens aussi. Dans cette mesure on a même le droit de parler, en ce qui concerne les
sciences modernes de la nature, d’une forme spécifiquement chrétienne
d’impiété : on trouve un échos chez Kamah. Cela permet de comprendre la
raison pour laquelle aucune évolution correspondante ne s’est produite dans
d’autres cultures. C’est pourquoi ce n’est probablement pas par hasard que,
justement à cette époque, la nature en elle-même devient, indépendamment du
thème religieux, un sujet de représentation artistique. Considérer la nature
non seulement en dehors de Dieu, mais aussi en dehors de l’homme, de sorte que
naisse l’idéal d’une description ou d’une explication « objective »
de la nature, correspond entièrement, en ce qui concerne les sciences de la nature,
à cette tendance. Il faut cependant souligner que, pour Newton aussi, le
coquillage avant de l’importance parce qu’il sortait du grand océan de la
vérité ; observer ce coquillage n’est pas encore un but en soi ;se
consacrer à son étude n’acquiert un sens que par la cohérence de l’ensemble.
Werner Heisenberg, La nature dans la physique contemporaine, « le
problème de la nature ».
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