mercredi 30 décembre 2015

ANNE DUFOURMANTELLE: Vivre c'est répondre présent à l'appel du risque

 
 
La vie est un risque inconsidéré pris par nous, les vivants.
Notre temps est placé sous le signe du risque: calculs de probabilité, sondages, scénarios autour des krachs boursiers, évaluation psychique des individus, anticipations des catastrophes naturelles, cellules de crise, caméras; plus aucune dimension du discours politique ou éthique n'y échappe. Aujourd'hui le principe de précaution est devenu la norme. En termes de vies humaines, d'accidents, de terrorisme, de revendications sociales, il est un curseur que l'on déplace au gré de la mobilisation collective et de l'affairisme économique; pour autant, il reste une valeur inquestionnée.
Eurydice, figure intemporelle et ultracontemporaine, elle est celle qui par amour a été cherchée jusque dans la mort. Prendre le risque de ne pas mourir pose la question de savoir ce qui fait de nous des vivants, mais plus encore des êtres capables, comme Eurydice, d'appeler. Le mythe ne parle pas de l'appel d'Eurydice, et pourtant cet appel, et le retournement fatal d'Orphée qui lui répond est l'essence, je crois, de lien humain. L'invocation fonde notre premier lien à l'autre depuis l'origine fœtale jusqu'à notre fin, qui nous traverse et nous constitue autrement que comme seuls corps intelligents- c'est-à-dire des êtres capables de cet événement sidérant: aimer.
 
ANNE DUFOURMANTELLE, Eloge du risque.

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