vendredi 27 mai 2016

Les Anciens ne vivaient pas seulement de la Nature


 
Ce que les Anciens ont légué dans la Nature et dans la société à leurs descendances, il n'est pas assuré autant pour les générations futures du peuple de Yokaam dans l'Etat actuel de Pagaal. Les Anciens ne vivaient pas seulement de la Nature mais pour la faire vivre le plus longtemps possible à Yokaam. Je crois qu’on peut dire cela d’un homme qui durant toute sa vie a eu à conduire au départ un couple, une génisse et un bouvillon jusqu’à établir un immense troupeau et qui, pourtant durant toute sa vie, ne sut jamais quelle est la saveur de la viande de vache, la saveur du lait frais de vache, la saveur du lait caillé de vache, trouvant sa pleine satisfaction dans la satisfaction du bétail revenant des immenses pâturages où la nature a répandu toutes choses nécessaires en surface et en profondeur pour toutes choses dans le devenir. Au temps des Anciens, les citoyens de Yokaam ne vivaient pas comme si la Nature n’était pas à elle-même et pour elle-même mais absolument pour l’homme et comme si l’existence humaine consistait pour chacun, pour chaque homme, chaque famille, chaque Etat à prendre de la nature le maximum possible pour s’assurer le maximum possible de durer dans l’histoire et avec le maximum de satisfaction. Je n’ai pas vécu beaucoup avec eux, je n’ai rencontré que les derniers à Yokaam. Mais à Yokaam, il arrive que les Anciens soient plus présents et quand nulle part dans leur cité, on ne voit presque plus aucune de leurs traces vivantes, malgré la multitude de leurs descendances. Jamais pour les Anciens, la nature n’a été une proie à abattre n’importe où et n’importe quand. A Yokaam, je n’ai jamais vu un homme tuer un mouton, une chèvre ou une vache, un chameau pour n’importe quoi, pas même pour faire plaisir à Dieu, parce que Dieu ne peut pas préférer voir des milliers et des milliers de vie mourir dans la nature en son nom que de les voir continuer leur chemin dans la vie quand il est encore possible de le faire. Jamais je n’ai vu un homme ou une femme se lever d’elle-même, de sa seule liberté et de sa seule autorité pour aller chasser dans la forêt de Yokaam. C’est toujours ensemble que les hommes valides faisaient la chasse annuelle et rituelle à Yokaam, avant l’entrée de la saison des pluies et cette chasse était liée à cette autre activité. Jamais à Yokaam, je n’ai vu une famille consommer du lait d’une vache qui vient de mettre un veau au monde ou consommer le nouveau mil sans commencer par donner aux morts leurs parts aux cimetières ou à l’autel de leurs pangols. Ils vécurent en très bonne santé dans une nature pleine de santé. Ils vécurent heureux et la nature fut je crois satisfaite de leur existence et ce n’est pas seulement parce qu’ils ne la transformèrent pas profondément. Certains diraient que partout l’instinct de transformer la nature et la nécessité de la transformer se présentent à l’homme pour survire et que seul l’ignorance, le déficit de science et de technique ou l’abondance furent les causes de la longévité de l’abondance, de la diversité et de la santé de la nature à Yokaam et ailleurs. Cela est sans doute vrai, mais quel homme poursuivrait la science et la technique si elles ne sont pas faites pour faire vivre le plus longtemps la nature et l’homme et dans les meilleurs des états de leur santé et de leur satisfaction. Si les Anciens à Yokaam n’avaient pas la science de la Nature, ils avaient alors l’amitié pour se faire entendre d’elle, puisqu’aux Assises du Khoy de Wéthiar Ndigil quelque part dans l’Etat de Pagaal, les Anciens demandaient à  la Nature de pleuvoir et elle arrivait toujours au jour promis.

 

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