mardi 3 octobre 2017

Hegel/ Francis Fukuyama:"Les hommes ne recherchent pas simplement le confort matériel, mais le respect ou la reconnaissance"



 Les hommes ne recherchent pas simplement le confort matériel, mais le respect ou la reconnaissance, et ils croient qu’ils méritent ce respect parce qu’ils possèdent une certaine valeur ou une certaine dignité. Une psychologie ou une science politique qui ne prendrait pas en compte le désir de reconnaissance de l’homme et sa volonté intermittente-mais très prononcée- d’agir parfois contre ses instincts naturels les plus forts méconnaîtrait quelque chose de très important à propos du comportement humain.



Pour Hegel, la liberté n’était pas simplement un phénomène psychologique, mais l’essence de ce qui était spécifiquement humain. Dans ce sens, la liberté et la nature sont diamétralement opposées. «  Liberté » ne signifie pas la liberté de vivre dans la nature ou conformément à la nature : au contraire, la liberté ne commence que là où la nature cesse. La liberté humaine n’apparaît que lorsque l’homme est capable de transcender son existence naturelle et animale, et de créer un nouveau moi pour lui-même. Le point de départ emblématique de ce processus d’autocréation est la lutte à mort de pur prestige.



Mais si cette lutte pour la reconnaissance est le premier acte authentiquement humain, il est loin d’être le dernier. La lutte se termine en effet par une relation de maître à esclave qui est loin d’être satisfaisante, à plus d’un titre, pour l’un comme pour l’autre. La bataille sanglante entre les « premiers hommes » de Hegel n’est que le point de départ de la dialectique hégélienne, et nous laisse un très long chemin à parcourir avant d’atteindre la démocratie libérale moderne. 




Le problème de l’histoire humaine peut être vu, en un sens, comme la recherche d’un moyen de satisfaire à la fois les maitres et les esclaves dans leur désir de reconnaissance, sur une base de réciprocité et d’égalité ; l’Histoire se termine alors avec la victoire d’un ordre social qui accomplit cet objectif.



Toutefois, avant de passer aux étapes ultérieures dans l’évolution dialectique, il serait utile d’opposer la conception hégélienne du « premier homme » à l’état de nature les visions des fondateurs du libéralisme moderne, Hobbes et Locke. En effet, si les points de départ et d’arrivée de Hegel sont assez semblables à ceux des penseurs anglais, les conceptions de l’homme sont radicalement différentes et nous offrent des points de vue opposés sur la démocratie libérale moderne.
Francis Fukuyama, La fin de l’histoire et le dernier homme, « Au début, une lutte à mort de pur prestige ».

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