dimanche 28 mars 2010

Aristote:Qu'est-ce que la nature?

Parmi les êtres, en effet, les uns sont par nature, les autres par d'autres causes; par nature, les animaux et leurs parties, les plantes et les corps simples, comme terre, feu, eau, air; de ces choses, en effet, et des autres de même sorte, on dit qu'elles sont par nature. Or toutes les choses dont nous venons de parler diffèrent manifestement de celles qui n'existent pas par nature; chaque être naturel, en effet, a en soi-même un principe de mouvement et de fixité, les uns quant au lieu, les autres quant à l'accroissement et au décroissement, d'autres quant à l'altération. Au contraire un lit, un manteau et tout autre objet de ce genre, en tant que chacun a droit à ce nom, c'est à dire dans la mesure où il est un produit de l'art, ne possèdent aucune tendance naturelle au changement, mais seulement en tant qu'ils ont cet accident d'être en pierre ou en bois ou en quelque mixte, et sous ce rapport; car la nature est un principe et une cause de mouvement et de repos pour la chose en laquelle elle réside immédiatement, par essence et non par accident.
Je dis et non par accident parce qu'il pourrait arriver qu'un homme, étant médecin, fût lui-même la cause de sa propre santé; et cependant, ce n'est en tant qu'il reçoit la guérison qu'il possède l'art médical; mais par accident, le même homme est médecin et recevant la guérison; aussi ces deux qualités peuvent-elles se séparer l'une de l'autre. De même pour toutes les autres choses fabriquées; aucune n'a en elle le principe de sa fabrication; les unes l'ont en d'autres choses et hors d'elles, par exemple une maison et tout objet fait de main d'homme; les autres l'ont bien en elles-mêmes, mais non par essence, à savoir toutes celles qui peuvent être par accident causes pour elles-mêmes. La nature est donc ce que nous avons dit. Maintenant, avoir une nature est le propre de tout ce qui a un tel principe. Or toutes ces choses sont substances, car ce sont des sujets et la nature est toujours dans un sujet. Maintenant, sont choses conformes à la nature et ces substances et tous leurs attributs essentiels; par exemple, pour le feu le transport vers le haut; car cela n'est pas nature, pas davantage n'a une nature, mais cela est par nature et conformément à la nature. On vient de dire ce qu'est la nature, ce que c'est que être par nature et conformément à la nature. Quant à essayer de démontrer que la nature existe ce serait ridicule; il est manifeste, en effet, qu'il y a beaucoup d'êtres naturels. Or démontrer ce qui est manifeste par ce qui est obscur, c'est le fait d'un homme incapable de distinguer ce qui est connaissable par soi et ce qui ne l'est pas. C'est une maladie possible, évidemment: un aveugle de naissance peut bien raisonner des couleurs; et ainsi de telles gens ne discourent que sur des mots sans aucune idée.
Aristote, Physique 2.



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