1 DE LA NATURE
2.
J’étais en vacances scolaires, il y a
de cela maintenant beaucoup d’années qui se comptent tristement sur le visage
de la nature en ces lieux aujourd’hui profondément défiguré, et pleurant le
deuil de ces dernières grandes espèces vitales en même temps que les hommes qui
sont pourtant leurs bourreaux, au campements des bergers dans l’immense
pâturage de Kassoumaye, pour rendre visite à un ami de mon grand-père. Un
matin, au réveil, nous avons constaté qu’une vache, qui pourtant se portait ou
semblait se porter comme d’habitude, en bonne santé, s’était retirée de l’enclos
pour mourir à la limite du regard clair durant la nuit qui était très obscure,
sans lune ni étoile dans le ciel, avec un petit foyer au milieu de l’enclos
dont les flammes s’éteignaient et que nous ne cherchions pas toujours à
rallumer, pour économiser le bois. L’obscurité ne changeait en rien notre état.
Peut-être que l’ami de mon grand-père très proche du troupeau, avait senti
quelque chose sans rien voir de ses yeux comme les miens, mais moi je n’avais
rien senti. Je n’étais plus alors un enfant parce qu’un enfant ne pose pas de
question. Or ce matin-là, comme leur arrivée était synchronisée avec notre
réveil, j’ai vu un vautour achever son vol en posant sur la branche la plus
haute de l’arbre à quelque pas duquel était couchée la vache qu’on pouvait
savoir morte à distance par sa position et son repos. Je me suis demandé alors,
« Comment sont-ils avertis bien avant les hommes ? » Je n’adressais
pas en réalité la question à mon ami et premier ami et maître Jigjam, même si j’avais
parlé à haute voix. Il a répondu « C’est ainsi que Dieu a fait la nature.
Rien ne peut se perdre sur le chemin de ce qui est proprement à lui depuis le
premier partage du premier capital universel du monde. A chaque chose son
capital dans la nature, comme dans la société. Ne cherche jamais à prendre ce
qui n’es pas à toi dans la nature ni parmi les hommes. »
3.
On peut toujours revoir en
imagination ou dans les champs concrets de l’histoire ou du devenir universel
dans la nature, la scène de ce triste matin dans les pâturages du Kassoumaye.
4.
Dans la nature, on peut voir un vautour plus fort éloigner
à coups de bec un vautour plus
faible autour d’un
cadavre qui est pour eux, un bien public gratuitement offert à tous les vautours dans la
progéniture de la nature. Aucun de ces vautour n’est venu de sa propre volonté
à la réception du message annonçant la mort de la victime et aucun vautour n’a
informé un autre, à moins qu’on ne suppose que dans l’essaim, il y a un
récepteur unique du message et qui déclenche par son envol, l’envol de tous les
autres, et qui serait ainsi leur leader. Aucun homme ayant un esprit de
justice, je crois, ne songerait à éloigner ces êtres ainsi venus de quelque
part de la nature, de cet « objet signifiant » qui est pour eux, un
chose commune, un bien public, un tronc commun par lequel il forme un même
être, un même sujet prenant des présences matérielles multiples et séparées dans
le même monde. Parce que c’est la nature qui les créés de la même source qu’elle
a créé la victime et qui a établi entre eux, un lien de parenté qu’ils ne
peuvent couper ou transformer ou minimiser, rendre insignifiant. Même s’il s’agit
d’une vie d’un troupeau de vache et que la scène se passe devant le
propriétaire de la bête morte, il n’en aurait pas reçu l’indication de la
nature, parce que la vie du bétail qui meurt sans l’arme du berger n’est plus
la vie sous la direction du berger. Elle retourne ainsi à ses premiers
propriétaires dans la nature, parmi lesquels le vautour, mais pas le lion.
Un
père de famille pourrait-il se comporter ainsi à l’égard de son ami ou d’un
hôte autour du même plat dont il est le financier ou le producteur associé ou
exclusif des éléments qui ont permis la préparation du repas ? Le berger
qui est le propriétaire de l’animal mort autour duquel se nourrissent et se
battent les vautour, ayant bien le pouvoir de séparer les vautour de ce que la
nature leur a attribué dans son capital universel de biens, de les éloigner de
ce qui leur est nécessaire, et qui ne l’aurait pas fait, peut alors bien se
demander si le vautour le plus qui a éloigné provisoirement ou définitivement le
vautour plus faible, tient son action de l’autorité de la Nature qui lui a
donné sa force extensible et compressible. En termes plus simples et clairs, il
se demanderait : l’action de la force du vautour le plus fort qui éloigne
l’autre vautour du groupe plus faible que lui provisoirement ou définitivement,
est-elle légitime dans le système de droit de la nature, s’agit-il d’une action
droit ou conforme avec l’activité et l’ordre général de la nature, s’agit-il d’une
action juste ?
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