mercredi 13 septembre 2017

Fukuyama: "Une boucherie de quatre années pour quelques mètres carrés de terrain dévasté"





Le pessimisme extrême de notre propre siècle est dû au moins partiellement à la cruauté avec laquelle ces attentes ont été déçues. 



La Première Guerre mondiale a remis en cause de manière fondamentale la confiance en soi de la vieille Europe. Elle a jeté à bas l’ancien ordre politique représenté par les monarchies autrichienne, allemande et russe, mais son impact le plus profond fut essentiellement d’ordre psychologique. 



Quatre années d’une boucherie atroce dans les guerres de tranchées, au cours de laquelle des dizaines de milliers d’hommes mouraient en un seul jour pour quelques mètres carrés de terrain dévasté, constituèrent, selon les mots de Paul Fussell, « une épouvantable contradiction au mythe « mélioriste » qui avait dominé la conscience publique pendant un siècle », inversant complètement l’ « idée de progrès ». 




 Les vertus de loyauté, de travail acharné, de persévérance et de patriotisme furent mobilisées au service du massacre systématique et inutile d’autres hommes, discréditant du même coup le mode bourgeois qui avait créé ces valeurs…



L’idée que le progrès industriel de l’Europe pouvait être détourné pour une guerre sans rédemption ni signification morale entraîna d’amères dénonciations de toutes les tentatives pour trouver de plus grands modèles ou leçons d’Histoire.



 Le célèbre historien anglais H.A.L Fisher put ainsi écrire en 1934 : « Des hommes plus sages et plus cultivés que moi ont discerné dans l’histoire un tracé, un rythme, un schéma prédéterminé. Ces harmonies restent cachées à mes yeux : je ne puis voir qu’une urgence faisant suite à une autre, comme la vague suit la vague. » 


Francis Fukuyama, La fin dans l’histoire et le dernier homme, Première partie, « Notre pessimisme », Page 29.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire