dimanche 3 septembre 2017

Francis Fukuyama: "les révolutions de France et d'Amériques" marquent la fin de l'histoire selon Hegel



Hegel pensait que la « contradiction » inhérente à la relation du maître et de l’esclave avait été finalement dépassée par la Révolution française( à laquelle on aimerait ajouter l’indépendance américaine). Ces deux révolutions démocratiques ont en effet aboli la distinction entre maître et esclave, en faisant des anciens esclaves leurs propres maîtres, par l’établissement des principes de souveraineté populaire et du règne de la Loi. La reconnaissance intrinsèquement inégale des maîtres et des esclaves est alors remplacée par une reconnaissance réciproque et universelle, dans laquelle chaque citoyen reconnaît la dignité et l’humanité de chaque autre citoyen : cette dignité est son reconnue à son tour par l’État grâce à la reconnaissance de certains droits.

Cette interprétation hégélienne de la signification de la démocratie libérale contemporaine diffère assez largement de l’interprétation anglo-saxonne  qui a servi de fondement théorique au libéralisme dans des pays comme l’Angleterre ou les États-Unis. Selon cette tradition, la quête orgueilleuse de la reconnaissance devait être subordonnée à l’intérêt personnel bien compris-combinaison du désir et de la raison en termes platoniciens- et particulièrement au désir de la conservation de soi et de son corps. Hobbes, Locke et les « pères fondateurs » comme Jefferson et Madison pensent que les droits existaient comme moyens de préserver une sphère privée où les hommes pouvaient s’enrichir et satisfaire la partie désirante de leur âme. Hegel par contre, voit les droits comme des fins en soi, parce que ce qui satisfait pleinement les êtres humains, n’est pas tant la prospérité matérielle que la reconnaissance de leur statut et de leur dignité. Avec la révolution de la France et d’Amérique, Hegel jugeait que l’histoire touchait à sa fin parce que l’aspiration qui avait déterminé le processus historique-le « désir de reconnaissance » -était désormais satisfaite dans une société caractérisée par la reconnaissance universelle et réciproque. Aucun autre arrangement des institutions sociales humaines n’était mieux à même de satisfaire cette aspiration, donc aucun changement historique vers un progrès plus grand n’était désormais possible.

                 Francis FUKUYAMA, La fin de l’histoire et le dernier homme.

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