lundi 24 mai 2010

Annah Arendt:"La génération du front" ou l'action incessante dans le cadre de la nécessité


Tels étaient les instincts antihumanistes, antilibéraux, anti-individualistes et anticultureles de la génération du front ,qui faisait un éloge brillant et spirituel de la violence, de la puissance et de la cruauté…Pour eux, la violence, la puissance ,la cruauté étaient les qualités suprêmes de ces hommes qui advient définitivement perdu leur place dans l’univers et qui étaient trop fiers pour appeler de leurs vœux une théorie du pouvoir qui les réintégrerait dans le monde, en toute sécurité. Ils se satisfaisaient d’être les partisans aveugles de tout ce que le a société respectable avait banni, sans considération de théorie ou de contenu, et ils élevaient la cruauté au rang de vertu cardinale parce qu’elle contredisait l’hypocrisie humanitaire et libérale de la société. Si nous comparons cette génération aux idéologues du XIXe siècle avec lesquels elle semble avoir tant en commun, la différence fondamentale est le surcroit d’authenticité et de passion. Ils avaient été plus profondément par la misère, ils se souciaient davantage des angoisses et étaient plus vivement blessés par l’hypocrisie que ne l’avaient été tous les apôtres de la bonne volonté et de la fraternité...Ces gens se sentaient attirés attirés par l'activisme prononcé des mouvements totalitaires,et par l'accent que mettaient ceux-ci,de façon curieuse et en apparence seulement contradictoire,à la fois sur le primat de l'action pure et sur la force écrasante de la pure nécessité. C'est cette combinaison qui correspondait précisément à l'expérience qu'avait de la guerre la "génération du front":une activité incessante dans le cadre d'une fatalité écrasante.
De plus,l'activisme semblait fournir de nouvelles réponses à la vieille et encombrante question:"qui suis-je?",qui, en temps de crise,se pose toujours avec une insistance redoublée.Si la société maintenait maintenait:"tu es ce que tu sembles être",l'activisme de l'après-guerre répliquait:"tu es ce que tu as fait".Après la seconde guerre mondiale,Sartre reprit cette réponse en la modifiant légèrement:"tu n'es rien d'autre que ta vie"(Huits clos).

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, troisième partie, « le totalitarisme », traduction de Jean-Loup Bourget, Robert Davreu et Patrick Levy, Ed. Quarto-Gallimard,pp.642-643.



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