dimanche 19 juin 2011

Thiakhane Fakher (3)/Le guiniar peut-il vivre en l'homme?

                     
Monsieur Démasquez a sorti un microscope. Le plus performant d’alors entre les mains des chercheurs qui veulent atteindre les formes les plus minuscules et les plus solitaires de la nature. Ce microscope multipliait la grandeur réelle d’un grain de sable à la grandeur de la terre. C’est cette puissance qui leur permit de percevoir et de capturer le guiniar. Guiniar, c’est le nom que Thiakhane Fakher donnait à cet être en attendant celui que les scientifiques qui travaillaient au Centre National de Recherches sur les Ténèbres(CNRT).

Tout aurait commencé selon monsieur Démasquez, avec un tout petit vers qui venait de sortir des eaux de l’océan Jotnaam. Un ver d’un genre que connaissaient les chercheurs de Pagaal et d’ailleurs, mais avec un comportement jusqu’ici inconnu. Une voracité devant laquelle celle de l’éléphant n’est rien. Lorsque le ver est sorti de l’eau de l’océan, il est monté sur la terre ferme d’une des îles de l’océan. Il est ensuite plongé dans une petite nappe d’eau à l’entrée de l’île et il a bu tout le contenu de la nappe. Il est sorti de la nappe et s’est mis à dévorer toutes choses sur son passage. Une longue et fine langue sortait de sa bouche et enveloppait des quantités de matières diverses qu’elle ramenait comme une faucille dans la bouche. Au contact de la langue tout s’amollissait et s’effondrait et se réduisaient en un brouillard de grains de matières hétérogènes. Pierre, végétal, coquillage, rocher, liquide. Les chercheurs ont réussi à capture le guiniar dans une cage d’une nouvelle matière d’une manière qui résista à la puissance de désintégration du guiniar. La dernière matière la plus résistible que les chercheurs de Pagaal venaient de trouver. Mais ils ne savaient pas si cette matière résisterait perpétuellement au guiniar. Pour eux, comme le répéta durant tout le temps de cours qui durait 2 heures dans la matinée, tout est provisoire dans la nature ou alors dans la manière dont les hommes capturent la réalité de la nature et la décrivent dans leurs divers systèmes de fabrications d’images rationnelles. Par ailleurs, ils avaient remarqué que plus le guiniar consomme, plus il devient force. Plus on agit sur lui violemment, plus il devient hostile à son environnement. Il ne connaît pas le repos et le sommeil ou alors les chercheurs ne l’avaient pas encore constaté. La grande énigme au sujet du guiniar est que malgré cette destruction de matières de toutes sortes, son corps n’augmente pas. Il semble imperturbable. Les chercheurs ont réussi à le peser et ils ont vu qu’ils l’être vivant le plus petit et le plus léger de tous. Les chercheurs de Pagaal ont trouvé dans le corps du ver habituel un autre corpuscule : c’est ce corpuscule de la dimension d’un grain de farine de mil qui était responsable du comportement du ver. En effet, ils avaient capturé d’autres vers de ce genre qui étaient très abondant dans les eaux de Jotnaam et dans d’autre forêt et même dans les feuillages des arbres au seuil ou dans les maisons de Pagaal. Ce comportement jusqu’ici inconnu avait attiré l’attention des chercheurs car ce ver est réputé être chez les scientifiques comme chez les citoyens simples de Pagaal,  le plus doux, le plus inoffensif des vers êtres vivants.  A Yokaam ce ver est toujours bien attendu en période d’hivernage. Son apparition est interprétée comme un signe d’abondance pour la saison. Lorsque les chercheurs ont isolé le guiniar, le ver est revenu à son état naturel initial comme tous les autres vers de sa famille. Ils ont enfermé le guiniar dans la cage transparente.D'ailleurs a Yokaam,pour dire d'un homme ou d'un cheval ou de quelque autre être vivant qu'il est modéré en toute chose,qu'il sait ce qui est a lui et ce qui n'est pas à lui,qu'il sait renoncer même à ce qui lui revient en droit au profit d'une autre vie,on dit de cet cet être qu'il est libre et heureux.Personne ne tue ce ver de l'abondance et de la satiété.Chaque paysan souhaite les voir les plus nombreux possibles dans son champ. Chaque concession souhaite au moins en avoir dans les divers verdures ou lieux humides de son milieu.Beaucoup de paysans cherchent discrètement ou souhaite rencontrer un de ces vers,vivant ou mort avant d'entrer dans l'hivernage.Les paysans de Yokaam sont convaincus que si un seul citoyen de Yokaam rencontre ce ver vivant ou mort, cela suffit pour que toute la cité espère une belle saison en toutes sortes de travaux et de récolte.Mais depuis des années et de très longues années, ce ver de l'abondance n'est pas sorti de son hibernation ou alors n'a pas été signalé à Yokaam.

Thiakhane Fakher n'a vu ce ver de l'abondance et de la satiété qu'une seule fois de sa vie,dans les années de sa petite enfance quand il ne savait rien des relations nécessaires entre les choses du monde.C'était la seule année d'abondance à Yokaam en toutes sortes de biens dont il se souvient encore aujourd'hui dans les temps de la rareté,de la soif, de la faim,de la vérité,de la paix,de l'absence de confiance en soi et donc du grave déficit de confiance entre les hommes et eux et entre les hommes et Dieu.


La grâce que la nature a donnée a ce minuscule ver de terre n'est sans doute une imagination des hommes qui parlent très souvent et surtout dans leurs assemblées plus que dans leur solitude sans rien savoir de ce qu'ils disent.Thiakhane Fakher est maintenant convaincu que c'est le jour où l'homme a rencontré son semblable qu'il a commencé à mentir.La vérité est née bien avant l'homme et même bien avant Dieu et toute autre divinité puisque toute divinité et tout humain et autre créature est une forme et une expression de la Vérité.Par contre le mensonge ne pas naître avant l'homme et en dehors des hommes.C'est d'ailleurs de cette corruption que seraient tous les autres maux secondaires des hommes et des peuples.
Dans la cage, Thiakhane Fakher, Jean-Paul Sincert et tous les élèves voyaient parfaitement le monstre de la grande menace. Un fil blanc semblable à un fil d’araignée mais encore plus mince, était attaché au plafond de la cage cubique. Au bout de ce fil qui descendait du haut de la cage vers sa base, était attaché un être dont on voyait parfaitement qu’il vivait dans son mouvement. Un être de couleur blanche. Un immense brouillard de grains minuscules et de diverses natures et couleurs gravitait autour de lui.
Un élève de la classe avait représenté le guiniar sous la forme  la forme d’une minuscule fourmi verticalement debout sur ses deux pieds, avec un corps et une tête et deux membres supérieurs.
Le guiniar intègre et assimile toutes choses autour de lui sans aucune sélection. Est-il dans un processus d’évolution vers un état de satiété supérieur. Les chercheurs de Pagaal pensent le contraire. Plus il intègre des matières, mange, respire, plus son état d’insatiété devient grave. Il évolue donc vers un état d’insatiété de plus en plus sévère et hostile à son environnement. Comme le guiniar n’augmente pas malgré la quantité de matières qu’il intègre, les chercheurs de Pagaal en ont déduit que sa fin est de dégrader sans rien produire, d’anéantir toutes choses. Selon les explications-pas certaines mais probables du professeur Démasquez, le guiniar vit dans un environnement isolé du reste du monde, dans une enveloppe qui contient le nécessaire de sa vie pour une certaine période. Cette période durant laquelle le guiniar vit dans une enveloppe qui lui offre tout le nécessaire dont il a besoin est celle que les chercheurs de Pagaal appelle « phase d’autosuffisance et d’isolement » ou encore d’indépendance. Le guiniar vit toujours seul dans un espace clos au sein duquel la nature lui offre le nécessaire pour survivre selon une durée déterminée. La deuxième inquiétude des chercheurs, c’est la durée de vie du guiniar dans sa vie du guiniar. Ils ne savent même pas s’il est mortel. Le guiniar peut vivre des milliards et des milliards d’années. C’est pourquoi aussi il migre d’une forme de vie matérielle vers une autre. Le guiniar dévore le contenu intérieur de l’enveloppe qui lui sert d’abri provisoire dans le monde de la nature avant de détruire le corps enveloppant lui-même pour sortir dans le monde extérieur à la recherche d’une enveloppe provisoire devenant de plus en plus résistante. C’était la question de Jean-Paul Sincert. Les chercheurs de Pagaal n’en savaient rien de certain. D’ailleurs, à en croire monsieur Démasquez, la science était depuis longtemps sortie des zones de la certitude et s’était engouffrée résolument dans celle de l’incertitude. Celle qui rendait le maximum possible hommage au savant pour son effort intellectuel qui ne peut se réduire à un ensemble de gestes de l’esprit ou du corps à exécuter partout et par tous sans aucun écart. Partout où est apparu un grand savant dans le monde, il faut toujours croire qu’il fut un grand humain, un grand solitaire, un être d’une sensibilité particulière au-delà de ses convention rationnelles et logiques entre ses pairs.
-Tout ce que nous en savons à ce jour de cet individu de la nature, c’est que nous n’avons rien qui nous ferait croire qu’il existe pour lui un état de satiété et de stabilité. Il est extrêmement instable et habité par des formes existentielles multiples. Quant à la question de savoir s’il peut vivre chez l’homme, nous n’en savons rien. Néanmoins l’être humain semble être l’un des plus aptes à résister au guiniar même si certains pensent que le guiniar est le principe de la vie en général. La vie qui est là diraient ceux- là s’ils voulaient parler en philosophe, parce qu’elle vient d’ailleurs et si elle vient d’ailleurs c’est parce qu’elle est insatisfaite et que le sens ultime de sa présence en ces lieux d’ici et maintenant est que c’est ici et maintenant que se trouve ce qui lui manque ou alors un élément essentiel à retrouver pour combler cette insatisfaction universelle au cœur de toute vie...


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