mardi 1 décembre 2009

Philosophie et étonnement -3:la philosophie comme réflexion et attitude critique

3. Le chemin de la philosophie est le chemin sur lequel l'homme prend des distances et une attitude critique à l'égard de ses propres pensées et de ses propres actions et à l'égard des pensées et des actes qui sont produits par d'autres dans le reste du monde,par les hommes et par les dieux.
C’est au matin du réveil de sa conscience et de sa raison surprises,déçues et perturbées dans leurs attentes que l’homme commença à sentir une absence de clarté et de fondements sûrs dans ses jugements. L’erreur pouvant entraîner des conséquences regrettables à son auteur et à ses semblables dans certaines circonstances théoriques ou pratiques, le penseur ou l’acteur qui en est victime peut ressentir le besoin d’arriver dans une situation qui lui permettrait de ne plus faire d’erreurs fatales. En tant que penseur ou acteur,l'homme qui s'est déjà trompé dans ses jugements ou dans ses actions peut s'éviter les conséquences fatales de l'erreur en choisissant un des termes qui s'ouvrent à lui dans sa situation :ou bien il décide de s'abstenir de juger comme les sceptiques ou bien il se décide à rectifier ses erreurs dans la pensée ou dans l'action.Pour arriver à cette fin,il est nécessaire pour lui de retrouver d'abord la source de ses erreurs et ensuite d'éliminer leurs effets.Cette double décision de retrouver la source de ses erreurs dans le jugement et dans l'action marque le début de la critique. La critique apparaît alors ici comme un retour du penseur ou de l'acteur sur ses propres pensées ou sur ses propres actes.Elle a besoin de certaines conditions pour exister.La perception et la rectification de l'erreur suppose l'existence d'une faculté que René Descartes la faculté de "discerner" ou de "distinguer" le vrai du faux.C'est pourquoi l'animal ne fait pas d'erreur et ne connaît pas la rectification et donc pas de le progrès.Mais l'existence de la critique repose aussi sur l'acceptation de son imperfection.C'est pourquoi comme l'enseigne Platon,les enfants d'un certain âge,les fous et les dieux ne connaissent pas non plus l'erreur dans la mesure où la faculté de discernement est absente en eux ou alors dans un état parfait.La critique a besoin aussi de la lucidité car c'est entre autre le manque de lucidité,le manque de clairvoyance et d'attention dans le jugement qui entraine l'erreur..La critique en tant que procès négatif du discours ou de l'action a aussi besoin de courage car ce qui est faux peut-être détecté aussi bien dans nos propres pensées et actions individuelles que dans celles des autres.Dirigée contre nous ou contre les autres,la critique est toujours une attitude théorique et pratique qui nie,qui soupçonne, qui suppose l'existence d'une norme et d'un écart avec cette norme.Il n'est pas toujours facile de lutter contre nous mêmes et contre les autres ou contre les institutions sociales.Si tout cela est réuni,il faudra encore une méthode. Nous comprenons sans doute alors que la critique a pour but ou pour intention l'amélioration,le progrès. L'idée de critique et celle de perfectibilité sont liées.
Etant née dans la surprise et donc dans la prise de conscience de la possibilité d'erreurs dans les pensées et dans les actions humaines et de l'intention ou du désir et de la volonté ferme de les dépasser,la philosophie peut être comprise comme une entreprise ou comme un projet de rectification et de refondation de la connaissance et de l'action sur des bases plus sûres que celles qui donnèrent naissance à la surprise.Les sources des erreurs humaines peuvent être dans la nature de l'homme ou dans son éducation ou dans les choses qu'il pense et sur lesquelles il agit. Comme pour « voir clair »en dehors de nous dans le reste du monde au sein de la nature et parmi les hommes il faut d’abord être sûr que rien en nous ne nous empêche de bien voir, la critique philosophique est avant tout une critique interne,une critique du "Je" par "Je"lui-même,une critique du "Moi"par le le "Moi" lui-même. C’est en ce sens qu’Alain estime que partout où la raison est en « lutte » contre les obstacles de toutes sortes qui embrouille sa vue, elle « lutte » essentiellement « contre elle-même ».Autrement dit ,« penser » ,et surtout penser comme un philosophe, c’est lutter avec notre raison contre notre propre raison, c’est se débarrasser de tout ce qui nous empêche de bien voir la vraie mesure de toute chose et non pas seulement ses apparences.
Qu’est-ce qui est en nous par nature ou qui est installé par l’éducation et qui pourrait nous empêcher de bien voir en nous-mêmes et en dehors de nous ?Qu’est-ce qui est dans les caractéristiques des choses que nous cherchons à connaître et qui pourrait nous empêcher de les connaître telles qu’elles sont, « en elles-mêmes » comme dit le philosophe Antoine Guillaume Amo ou encore dans leur nature originelle, dans leur essence avant qu’elles ne soient mélangées à quelque chose d’autre sui peut les transformer? Certains philosophes, notamment les philosophes idéalistes ou les métaphysiciens estiment que nos sens naturels nous trompent, c’est-à-dire que notre corps et ses organes des sens nous induisent en erreur en nous présentant les choses dans leurs effets agréables ou non agréables et non dans leur vrai être ou dans leur vraie nature ou essence.
La critique des sens est au cœur et est une condition pour eux d’accéder à la vérité que cherche à atteindre la philosophie. Ainsi Socrate estime que « tant que nous aurons notre âme » enfermée dans la cellule de notre corps au sein de l’immense prison qu’est le monde sensible, « nous autres philosophes n’atteindrons jamais la « vérité » ou la sagesse théorique et la sagesse dans l’action. En conséquence il faut supprimer le corps et tout ce qui lui est attaché quand nous voulons trouver la vraie mesure de toute chose et quand dans la vie concrète nous voulons mener une vie droite conforme à la vraie mesure de toute chose. Cette conception du rapport entre le corps et l’esprit ou la raison suppose que ces deux composantes de l’homme sont séparables, comme on peut séparer le sucre de l’eau en faisant chauffer et l’eau pour faire évaporer l’eau et recueillir le sucre dans sa propre nature. Mais peut-on faire cette séparation qui mettrait le corps à coté et la raison d’un autre tels que chaque entité était dans son état pur avant leur attelage ?
René Descartes estime aussi que « les sens nous trompent » totalement ou alors relativement nos jugements. Pour donner raison à Descartes, nous pouvons plonger un bâton droit dans une bassine remplie d’une eau transparente. Nous verrons avec nos yeux que la règle « est brisée » quand elle entre dans l’eau. De même l’illusion de la flaque de liquide qui brille à l’horizon sur le goudron lorsque le soleil projette ses rayons sur les matières sensibles qui constituent le goudron. Mais peut-on dire que les sens nous trompent totalement et que leur apport est toujours nuisible ou inutile ou négligeable dans la connaissance des choses et des êtres du monde ? La critique philosophique attaque aussi l’ensemble de l’éducation, dans ce qu’elle nous enseigne et recommande de valoriser et d’écouter et de poursuivre dans la pensée ou dans l’action. Cela signifie que la société est un espace où l’homme peut être égaré et écarter du chemin qui mène à la vérité théorique et à la vérité qui nous indique ce qu’il faut faire dans l’action.
Pourtant on enseigne dans "nature et culture" qu’aucune connaissance n’est possible sans la présence d’une société. Sauf alors quand on estime qu’il existe en chaque homme des vérités qui sont antérieures à sa naissance et qui sont déposé en lui dès sa naissance dans la nature : c’est la thèse des idéalistes et des métaphysiciens. C’est pourquoi pour eux, la philosophie est le mouvement critique par lequel l’homme se déshabille de toutes les parures qu’il tient de la société pour devenir intellectuellement et même moralement nu ou vierge, pour retrouver ces vérités premières, naturelles, premières, impérissables même si elles sont masquées. Pour eux, philosopher c’est réveiller la science qui dort en tout homme.
C’est cette conception de la raison et de la connaissance et de la vérité qui fonde la méthode de Socrate qu’on appelle la maïeutique : mon art dit-il à l’image de celui de ma mère qui fut matrone, consiste à « faire accoucher » cette raison naturelle en tout homme des « Idées » qu’elle contient naturellement. Descartes est de son avis même s’il n’utilise pas la même méthode puisque qu’il dit que philosopher c’est faire comme si on avait rien appris, c’est repartir au degré zéro de la connaissance et oubliant ce que nous tenons de nos maitres et de nos parents, etc., pour retrouver au fond de notre « substance pensante » ou de notre « raison nature » ou dans « notre faculté de juger » ces « idées innées et simples et évidemment vraies »que la nature ou Dieu à fait don à chaque homme. La critique philosophique attaque aussi l’opinion : le sénégalais qui dit par exemple que Senghor ou Abdou Diouf ou Abdoulaye Wade et leurs collaborateurs ont volé des milliards au peuple sénégalais sans être en mesure de la prouver parce qu’il a seulement entendu quelqu’un le dire dans le rue ou dans la place publique ou dans un journal ou à la radio ne fait pas un jugement personnel, mais ne fait que répéter ce qu’on lui fait dire. C’est cela l’opinion. L’opinion est donc une source d’erreur ou un obstacle à la connaissance car l’opinion marque la fin de la critique et prend ce qu’elle affirme comme une vérité indubitable sans en donner les fondements. L’opinion est une sorte de drogue que l’on fait prendre au peuple pour l’attirer vers nous. C’est pourquoi on parle de « bataille d’opinion » qui signifie une bataille d’influence. Philosopher c’est tourner le dos à l’opinion pour penser par nous-mêmes avec des arguments théoriques ou avec des bases matérielles.
La philosophie critique aussi toute forme de croyance puisque croire c’est affirmer que ce à quoi est absolument vrai et que tout ce qui est en dehors de l’univers de ma croyance est faux ou incertain. La croyance est une certitude aveugle et aveuglante qui suppose aussi qu’il existe des réalités supérieures que la raison de l’homme ne peut pas démontrer. C’est pourquoi à l’origine la philosophie s’opposait radicalement à la croyance : « croire nous dit Alain ,c’est s’interdire de connaître »En somme la philosophie est une attitude intellectuelle et pratique et critique qui cherche à délivrer l’homme des chaînes et des brouillards et qui lui empêchent de bien voir la nature intime, profonde et cachée de toute chose :en ce sens on peut Bien comprendre et fonder la thèse selon laquelle « philosopher c’est chercher l’essentiel inaperçu »dans l’existence de chaque chose, dans la pensée ou dans la vie pratique. Philosopher, ce n’est pas croire que Jésus ou Mohameth est un prophète de Dieu qui vient enseigner au sérère qui s’adresse aux pangols pour atteindre Dieu qu’il est dans l’erreur fondamentale, mais c’est plutôt oser penser « Et si le sérère avait raison malgré son isolement actuel dans le monde des nouvelles et dernières religions ? »Philosopher c’est essayer de comprendre pourquoi le sérère qui suit des pratiques traditionnelles qui visent à atteindre un autre monde et d’autres êtres n’a pas inventé ou reçu d’autres pratiques et d’autres idées au sujet de cet autre monde qui échappent aux yeux de tous les hommes ou de quelques hommes ? Philosopher, c’est être impitoyable à l’égard de sa propre raison et de ses propres comportements rapportés à des critères universels ou subjectifs qui déterminent les conditions d’existences des choses concrètes ou de la validité ou de la fausseté d’une proposition. Philosopher c’est se demander qu’est-ce qui est pensable par la raison objectivement ou subjectivement ? Philosopher c’est se remettre en cause et se demander aussi jusqu’à quel point la raison peut-elle connaître ? Philosopher c’est chercher accepter notre imperfection naturelle et culturelle, notre limite dans le temps et dans l’espace et en conséquence toujours supposer que je suis dans l’erreur. Philosopher c’est encore… Jusqu’à quel degré ou niveau de son existence peut-on connaître les choses que nous désirons connaître si nous pouvons effectivement connaître quelque chose ?
La critique est aussi à l'intérieur de la philosophie elle-même.On peut citer l'exemple des matérialistes qui critiquent les idéalistes qui à leur tour les critique ou encore la critique du rationalisme par l'empirisme qu'il critique en tant que forme ou voie de connaissance.Nous connaissons sans doute la critique de la philosophie et notamment de la philosophie idéaliste ou métaphysique ou rationaliste ou spéculative ou traditionnelle par Karl Marx dans sa onzième thèse sur Feuerbach:"Les philosophes n'ont fait jusqu'ici qu'interpréter le monde, de diverses manières "qui dépendent de leur sensibilité et de leur subjectivité et de leur intérêts alors "qu'il s'agit de le tranformer",ce qui n'est possible que si nous accpetons qu'il existent pour toute qui apparaît dans la nature et dans la culture des lois ou des vérités, ou des conditions objetctives qui conditionnent son apparition ou son absence,conditions mises dans les choses avant que les hommes ne les perçoivent et ne les pensent.
Contrairement aux philosophes sceptiques qui critiquent le projet de la philosophie qui est de vouloir connaître et qui affirment que l’homme ne peut pas connaître du tout ou que ses connaissances sont toujours incertaines et suspectes d’être contaminées de quelques considérations qui leur sont étrangères, les métaphysiciens déclarent qu’il existe un niveau, un lieu où se trouvent les mesures idéales de toutes choses qui se trouvent dans la nature et parmi les produits des hommes dans leurs cultures. Celui qui atteindra ces images parfaites des choses ou des pensées serait les sages. Et les philosophes métaphysiciens estiment qu’il est possible pour l’homme qui est doté de ce puissant moyen qu’est la raison d’arriver à ces mesures parfaites quand il utilise i sa raison d’une certaine manière. C’est cette voie de la métaphysique dans le champ de la connaissance que nous allons décrire dans le prochain article intitulé :
Philosophie et étonnement-3 :Quand la philosophie devient métaphysique.

1 commentaire:

  1. 'ceci m'a donné plus de connaissance concernant l'essence de la cfie;ne peut on pas associer attitude critique et art de vivre?comment argumenter en dissertation de cfie?j'attent ma reponse avec impacience;

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